Mains moites, gorge serrée, voix étouffée, regard figé, bouche sèche, trou de mémoire, tremblements, palpitations… Pour plusieurs, parler en public est aussi effrayant que la mort. Sans nécessairement vouloir devenir conférencier, à un moment ou un autre de notre vie, nous sommes tous confrontés à présenter un projet devant collègues et patrons, à prendre le micro lors d’une rencontre face à une salle remplie d’étrangers ou à convaincre un auditoire d’adhérer à une idée lors d’une conférence. Mais comment rester calme?
Il y a bien sûr, quelques trucs de base : pratiquer, respirer, ne pas anticiper le pire, identifier des visages sympathiques dans l’auditoire, apprendre par cœur les premières phrases, débuter lentement… Mais je vous propose d’aller plus loin ou plutôt d’aller ailleurs en vous racontant le moment où j’ai arrêté d’avoir peur d’être qui je suis quand vient le moment de parler en public.
Devenir un meilleur conférencier
Au début de ma carrière de conférencier, il y a environ douze ans, j’ai participé aux États-Unis à un programme de formation pour devenir conférencier.
Nous étions quelques centaines réunis durant quatre jours et du matin jusqu’au soir, constamment engagés dans des activités de toutes sortes ayant pour but de nous sortir de notre zone de confort : j’ai eu un gars de plus de six pieds assis sur mes cuisses et qui pleurait comme un veau, j’ai insulté un autre en lui disant qu’il avait l’air d’un bébé gâté la première fois que je l’ai vu, j’ai fixé dans les yeux une inconnue, main dans la main, face à face, pendant ce qui me semblait être une éternité… Pour un gars réservé comme moi, c’était de la pure folie.
Chaque soir, nous étions séparés en quatre groupes dans quatre salles différentes où nous avions à présenter une petite conférence devant les autres (cela durait habituellement jusqu’aux petites heures du matin). Nous avions donc quatre « épreuves » : la salle intime, la salle de puissance, la salle de l’authenticité et la salle de l’humour. Le conférencier principal du programme nous a mentionné que nous ne décidions pas de l’ordre, mais que ce n’était pas le hasard, mais bien le destin qui déciderait.
Dans mon cas, je me considérais chanceux en commençant par la salle intime puisque c’était la seule présentation que j’avais préparée (indice que parler de moi n’était pas ma tasse de thé). J’échoue lamentablement en expliquant comment une autre personne a eu un impact positif sur moi (tout en évitant habilement de parler de moi). En fait, je suis le seul (sur près de 100 conférenciers) à n’avoir pas parlé de lui… Évidemment, l’animateur en fait la remarque et me « cuisine » un peu pour essayer de comprendre la raison.
Le lendemain soir, c’est la salle de puissance où je ne me rappelle plus quel était l’objectif, car je n’ai retenu que le choc de la fin. Après avoir été basculé d’un sous-groupe à l’autre (ou avoir inconsciemment voulu passer le dernier…) je suis interrompu à peine après quelques minutes par l’animateur qui me dit qu’il ne me sent pas dans ma zone de puissance. Il m’encourage à parler plus fort et avec plus de conviction (mais ce n’est visiblement pas assez pour le convaincre). Je sens la pression fortement monter et j’ai très chaud… Je lui dis que la langue est peut-être un obstacle (je vous rappelle qu’on est aux États-Unis). Mauvaise excuse, il m’invite à continuer ma conférence en français en me disant qu’il devrait comprendre mon discours simplement par l’énergie que j’allais y mettre, indépendamment des mots choisis. Deuxième ou troisième interruption, à ce point-ci j’avais arrêté de compter, il me demande de crier, plus fort, crier des injures, vraiment me fâcher puis m’invite à reprendre ma place.
À ce point-ci, je doute de la pertinence de cet exercice et je commence à douter fortement de mes capacités de conférencier. Inutile de vous dire que le lendemain, j’ai la motivation au point zéro alors que l’objectif était tout le contraire; les quelques milliers de dollars investis dans cette aventure commencent à sentir l’arnaque à mon nez.
J’allais toujours dîner seul le midi pour reprendre des forces (nous dormions environ 5 heures par nuit) et ce midi, allongé sur une chaise autour de la piscine de l’hôtel, il y a eu comme un déclic. C’est comme si, par magie, ce mur qui protégeait mon estime personnelle que je croyais si forte s’est effondré d’un coup. J’ai alors senti comme un grand soulagement, une ivresse presque.
J’ai passé le reste de la journée à flotter sur un nuage et quand est arrivée la soirée de l’authenticité j’ai demandé à passer le premier (promesse que je m’étais faite après ma sieste du dîner). L’animateur a eu beau tenter de me déstabiliser de toutes les façons en me posant des questions personnelles et en me demandant de modifier mon habillement d’une manière un peu ridicule devant tout le monde, il n’y avait rien pour me bloquer.
J’ai même demandé à un autre conférencier durant la pause c’était quoi le « big deal » de sa barbichette qu’il refuse absolument de se faire couper malgré les questions insistantes de l’animateur sur les raisons de ce refus absolument catégorique. Vous savez quoi, le gars à la barbichette est venu me voir à la dernière journée pour me dire que mon commentaire a été pour lui un moment révélateur et qu’il m’en était grandement reconnaissant. Comment un gars que je ne connais même pas peut-il me remercier de lui avoir dit ce que je pensais vraiment de sa situation personnelle ? Je pense que c’est ça la force magique de l’authenticité.
Le lendemain soir, c’était l’épreuve de l’humour où j’ai provoqué un délire général en me moquant de mon incompréhension des directives lors d’une activité de l’après-midi à cause de la barrière linguistique. J’ai été le hit de la soirée en faisant rire de moi devant tout le monde : c’est dire le chemin que j’ai fait en quelques jours.
Surmonter sa peur de parler en public
Ce qui a fait de moi un meilleur conférencier, ce ne sont pas les techniques pour mieux parler en public, mais c’est le fait d’avoir éliminé ce qui m’empêchait d’exprimer ce que je suis vraiment. Depuis ce temps, c’est le vrai Stéphane Simard que les gens voient davantage.
N’ayez pas peur d’être authentique et vulnérable lorsque vous prenez la parole en public.
Une des choses que la situation actuelle liée à la COVID-19 (et le télétravail forcé) nous apprend c’est de savoir faire preuve de lâcher prise. Que ce soit dans notre sphère personnelle et professionnelle, les choses ne se déroulent (et ne se dérouleront peut-être jamais) plus comme avant.