Les impacts des changements sociaux sur la génération Z sont nombreux et affectent la gestion des ressources humaines. Pour les Z, le travail n’est plus central comme il l’était pour les Baby-boomers et la génération X, il est complémentaire. Cela veut dire que la vie personnelle des travailleurs ne se module pas autour des exigences du travail, mais plutôt l’inverse.
Cette vision du travail induit une redéfinition des priorités où la vie personnelle, les amis, le bien-être et la famille prennent le dessus sur les exigences professionnelles. Cette transformation reflète des changements profonds dans les attentes vis-à-vis du travail et de l’employeur, impactant directement les pratiques de gestion des ressources humaines.
Les sphères importantes pour la génération Z
Dans le cadre de notre enquête, on a demandé aux Z de classer en ordre d’importance leurs sphères d’activité dans leur vie. Voici leur choix numéro un en ordre croissant : l’implication sociale (0 %), le travail (5 %), les loisirs (6 %) (3 % chez les filles et 15 % chez les garçons), l’éducation (7 %), les amis (8 %), la santé (26 %) et la famille (48 %) (52 % chez les filles et 38 % chez les garçons).
Il peut paraître surprenant de voir que la famille se hisse au premier rang, mais cela ne veut pas dire pour autant que les Z veulent avoir des enfants. En effet, en 2022, 38 % des jeunes âgés de 20 à 29 ans ne pensaient pas avoir les moyens d’avoir un enfant au cours des trois années suivantes, tandis que 32 % ne pensaient pas avoir accès à un logement convenable pour fonder une famille au cours de cette période (Statistique Canada, 2023). En conséquence, certains font le choix de ne pas avoir d’enfants pour conserver leur indépendance et ne pas compromettre leur sécurité financière. Aussi, plusieurs Z se demandent s’il est judicieux d’ajouter un autre être humain sur cette planète déjà surpeuplée et surexploitée. En conséquence, la famille élargie prend davantage de d’importance (fratrie, parents et grands-parents).
Le travail comme complément
Pour la génération Z, le travail doit s’intégrer harmonieusement dans une vie riche et équilibrée. Les Z accordent donc une grande importance à la flexibilité des horaires et à des environnements de travail qui respectent et valorisent leur individualité et leurs besoins spécifiques. Ils cherchent des employeurs qui leur permettent de ne pas sacrifier leur vie personnelle pour leur carrière, préférant une approche où le travail et la vie personnelle se soutiennent mutuellement.
La vision de la génération Z sur le travail comme un aspect complémentaire de la vie souligne l’importance d’une approche holistique de la gestion des ressources humaines qui prend en compte non seulement les besoins professionnels, mais aussi personnels des employés. Cette approche peut aider les entreprises à mieux comprendre et répondre aux attentes des nouvelles générations au travail, tout en réduisant le taux de roulement du personnel et en améliorant l’engagement des employés.
Les impacts du télétravail sur la génération Z
La pandémie de COVID-19 a probablement marqué à jamais la vie personnelle et professionnelle des Z comme l’ont démontré plusieurs études illustrant la hausse du niveau de détresse psychologique chez les jeunes depuis mars 2020. Bien que ces deux situations soient différentes, le télétravail et l’école à distance ont eu des impacts significatifs. Cependant, lorsqu’on compare les résultats de l’édition 2023 de notre enquête à ceux de cette année, on observe que les impacts sont moins négatifs en 2024, ce qui nous laisse croire que la situation évolue pour le mieux avec le temps à mesure que les organisations et les individus s’adaptent.
Ainsi, dans l’édition 2024 de notre enquête, 53 % des filles (-3 % en 2023) et 61 % des garçons (10 % en 2023) affirment que l’impact sur leur équilibre travail et vie personnelle a été plus positif que négatif. Du côté de la performance, 33 % des filles (3 % en 2023) notent un impact positif alors que l’impact a été négatif pour 5 % des garçons (positif pour 3 % en 2023). Les conséquences sur la santé psychologique ont été positives pour 8 % des filles (négatives pour 28 % en 2023) et pour 20 % des garçons (négatives pour 18 % en 2023). Même tendance positive en 2024 sur la santé physique de 2 % des filles (négative pour 17 % en 2023) et de 2 % des garçons (négative pour 11 % en 2023). Par contre, le télétravail influence négativement les relations interpersonnelles pour 7 % des filles (21 % en 2023) et 21 % des garçons (9 % en 2023). Sans grande surprise, les conséquences sont aussi négatives sur le sentiment d’appartenance de 22 % des filles (32 % en 2023) et de 30 % des garçons (13 % en 2023).
À cause des restrictions sanitaires et des mesures de distanciation physique durant la pandémie de COVID-19, plusieurs jeunes se sont sentis coupés de leurs amis et de leur famille, ce qui peut entraîner un sentiment de solitude et d’isolement. Cela peut être particulièrement difficile à une période de notre vie où l’on cherche à établir des liens sociaux et à développer son identité.
Au plan personnel, les Z ont parfois le sentiment que des forces extérieures contrôlent leur destinée, entraînant de l’anxiété, un risque de dépression et du stress. Ainsi, 68 % des jeunes Franco-Québécois se disent stressés dans leur vie de tous les jours (comparativement à 40 % pour l’ensemble de la population québécoise) et 26 % avouent même avoir déjà vécu une dépression (Léger, 2021). Aussi, le pourcentage des adolescents souffrant de solitude a doublé en Europe et en Amérique et a augmenté de 65 % en Asie depuis 2012 (Twenge, 2023).
À la lumière de l’impact que les différents changements sociaux ont sur eux, il n’est donc pas surprenant d’apprendre que 89 % des Z affirmaient que la pandémie et l’inflation ont changé leurs attentes face au travail durant notre enquête en 2023.
La tendance croissante de la génération Z à privilégier l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, en considérant le travail comme complémentaire plutôt que central à leur existence, représente un changement de paradigme significatif qui a plusieurs conséquences potentielles à long terme pour le marché du travail, notamment :
- Transformation des structures de travail : Les organisations pourraient devoir repenser leurs modèles de travail, en adoptant des horaires flexibles, le travail à distance et des semaines de travail réduites. Cette flexibilité pourrait devenir un facteur clé de compétitivité pour les entreprises.
- Changement des attentes en matière de leadership : Les gestionnaires devront adapter leurs approches pour répondre aux attentes des employés de la génération Z qui valorisent l’autonomie, le sens du travail et une culture d’entreprise axée sur la diversité, l’équité, l’inclusion et le bien-être. Les compétences en communication et en empathie deviendront encore plus cruciales.
- Accent sur le bien-être et la santé mentale : Les organisations pourraient devoir investir davantage dans les programmes de santé au travail, reconnaissant que le bonheur et la satisfaction personnelle sont directement liés à la productivité et à l’engagement au travail.
- Redéfinition de la loyauté envers l’employeur : Avec un sentiment d’appartenance davantage lié aux individus qu’aux organisations, les employeurs devront maximiser les opportunités pour que les employés se tissent davantage de liens entre eux.
- Innovation et entrepreneuriat : Avec une importance accrue accordée à la conciliation travail et vie personnelle, nous pourrions voir une augmentation de l’innovation et de l’entrepreneuriat, car les individus cherchent à créer ou à travailler pour des entreprises qui offrent l’autonomie qu’ils désirent et la possibilité de maximiser l’utilisation de leurs compétences.
- Impact sur les politiques publiques et la législation : Cette tendance pourrait inciter les gouvernements à réviser les politiques du travail et les législations pour mieux accommoder les besoins de la main-d’œuvre, notamment en matière de congés payés, de travail à distance et de santé mentale.
Ces conséquences représentent à la fois des défis et des opportunités pour les employeurs, les employés et les décideurs politiques. L’adaptation à ces changements nécessitera une approche proactive et innovante pour repenser le travail et sa place dans la société.